Un jacobite, mais qu'est-ce donc ?

La vision populaire actuelle est très inspirée de la vision romantique du XIXème siècle du jacobite : un soldat écossais combattant la couronne anglaise pour reconquérir l’Ecosse au nom d’un prince prétendant et d’une liberté idéalisée. Cependant, la réalité est toute autre ; bien plus nuancée et surtout bien plus large et complexe. D’une révolte suite à un conflit religieux, le jacobitisme s’est transformé en un mouvement politique impactant toutes les couches de la société dans toutes ses diversités. En effet, les répercussions au mouvement jacobite sont multiples et ce dans de nombreux domaines dont l’économie, le social et la culture.

 

Ce long article a la dure tâche de balayer le plus largement possible le sujet afin de tenter d’englober l’ensemble de ces approches. Dans cette optique, après un rappel des notions clés et un rapide historique des rébellions, plusieurs axes vont être abordés afin de mettre en avant des conséquences politiques, militaires, sociales et culturelles quelques fois méconnues et pouvant s’étendre jusqu’au XIXème siècle.

Petite remarque : il est extrêmement difficile d’écrire un article de vulgarisation sur un thème aussi riche et pointu et de pouvoir satisfaire l’intérêt insatiable des amateurs sur le sujet tout en restant accessible pour la curiosité du néophyte. De nombreux sujets et points de détails seront peut-être perçus par certains comme étant survolés mais c’est simplement parce qu’ils feront l’objet d’un article plus complet dans les mois à venir.

 

Notions historiques préalables

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Jacques II est le fils du roi Charles Ier, roi renversé par la Ière révolution anglaise et condamné à mort en 1649. Cette révolution installe en Angleterre la République d’Oliver Cromwell, un régime parlementaire, autoritaire et puritain. Ce régime est aboli en 1660 et permet le retour sur le trône de la dynastie des Stuart à travers la personne de Charles II, le fils ainé de Charles Ier. L’épisode républicain, même s’il n’a duré que onze ans, pérennise le régime parlementaire en Angleterre ainsi que la religion protestante sous sa forme anglicane ; deux aspects qui vont durablement façonner le visage de la société anglaise. Charles II règne sur l’Angleterre de 1660 à 1685 en respectant le parlement, l’Église anglicane et les principes de la monarchie parlementaire.

A sa mort, en 1685, son frère Jacques II lui succède. Très vite, Jacques II inquiète le Parlement et une partie de l’aristocratie anglaise. Il affiche ostensiblement sa dévotion et son attachement à la religion catholique et manifeste des tendances conservatrices et absolutistes. Les Anglais ont peur qu’il revienne sur les acquis de la révolution. En 1688, son épouse donne naissance à un héritier, Jacques-François Stuart. Cette naissance laisse présager l’installation d’une dynastie catholique et réactionnaire sur le trône d’Angleterre.

En 1689, craignant pour sa vie, Jacques II fuit en France. Le Parlement et une partie des Lords anglais profitent de cet acte pour le renverser et remettre la couronne d’Angleterre à Marie Stuart, la fille de Jacques II ainsi qu’à son époux Guillaume d’Orange. Guillaume est hollandais, il est affilié à la puissante maison de Hanovre, une dynastie allemande protestante. C’est la Glorieuse Révolution.

 

Notions et définitions

Définitions

Jacobite : vient du latin Jacobus qui signifie Jacques (James en anglais). Nom donné dès 1689 aux partisans de la maison Stuart exilée souhaitant placer Jacques II, puis son fils Jacques François Stuart et enfin le prince Charles Edouard Stuart sur le trône.

Loyaliste : nom donné aux partisans de la maison Stuart soutenant la reine Marie II d’Angleterre et Guillaume III d’Orange-Nassau puis la branche hanovrienne de la maison Stuart. Ils sont parfois appelés unionistes à tort, l’union des deux couronnes étant souhaité également par les prétendants jacobites.

Jacobitisme : mouvement politique soutenant Jacques II (et sa descendance) issu initialement d’une division religieuse au sein de la maison Stuart, Jacques II étant catholique alors que Guillaume d’Orange est protestant.

Les révoltes jacobites sont nées de cette division au sein de la maison Stuart dès 1688, suite à la Glorieuse Révolution (cf. la destitution de Jacques II dans les notions historiques préalables). Rapidement, le conflit religieux se transforme en ce que l’on pourrait apparenter à une guerre civile ; la religion étant reléguée en arrière plan dans la mesure où rapidement, protestants et catholiques se sont retrouvé des deux côtés.De plus, il faut savoir que depuis les réformes religieuses du XVIème siècle, les doctrines des églises anglicane, épiscopalienne et presbytérienne sont très présentes sur le territoire britannique. Près de 70% des chefs de clans et des jacobites écossais étaient épiscopaliens.

Les révoltes s’achèvent officiellement en avril 1746 aux lendemains de la bataille de Culloden et à la publication d’actes condamnant définitivement le jacobitisme.

Néanmoins, le terme jacobite est très peu utilisé par les loyalistes. Dans leurs écrits, ils préfèrent les termes de rebelle ou de traitre.

Symboles et représentations

Le jacobitisme n’est pas uniquement une suite de batailles et de succession au pouvoir. C’est également une mentalité et une approche singulière de la notion de rébellion. Les symboles adoptés et la représentation du mouvement dans les écrits soulignent la présence forte d’une raison supérieure originelle très importante.

Parmis les symboles, les plus fameux sont la rose blanche (déclinée sur les drapeaux, les bérets, les verres, les peintures…) et les jacobite glasses utilisés notamment lors des toasts secrets en l’honneur du King over the water (“le roi par delà la mer”, i.e. les prétendants Stuart en exil).

La rose blanche pourrait être une référence à la rose blanche de la maison d’York et à la guerre des deux roses pour symboliser l’illégitimité de la nouvelle maison au pouvoir. Une autre version affirme que la rose blanche est une opposition à la rose noire que portaient les loyalistes.

Le port du dernier bouton du gilet non boutonné est aussi un symbole secret de ralliement. Il existe un nombre incalculable de symboles, de gestes et de représentations pour reconnaître secrètement l’appartenance au mouvement jacobite.

verre à vin orné d'une rose et de deux chardons
verre à vin orné d'une rose et de deux chardons

Ce lien symbolique envers la dynastie exilée des Stuart s’explique lorsque l’on s’intéresse à la propagande jacobite. Dans le To all true-hearted Scotmen rédigé en 1715, on pouvait notamment lire “Il [Jacques VIII / The Old Pretender] est indéniablement l’Héritier en ligne direct (par le sang) et le descendant de l’ancienne race de nos rois d’Écosse : dont les ancêtres, en ligne direct, ont tenu le sceptre dans notre monarchie héréditaire pour de nombreuses générations, sans contestation ; un prince sur qui la couronne est liée par les lois fondamentales de notre pays, et à qui, avant même qu’Il soit né, nous avons souvent juré Allégeance et Loyauté par ces serments transmis aux anciens rois, par lesquels nous nous sommes liés, non seulement à eux mais aussi à leurs Héritiers légitimes et descendants.

“He is the Undoubted Lineal Heir by [blood] and Descendant of the Ancient Race of our Scottish Kings: whose Ancestors, in a direct [line], have sway’d the Sceptre in our Hereditary Monarchy for many Generations, without Cont.; a Prince upon whom the Crown is entail’d by the Fundamental Laws of our Country, and to whom, even before He was born, we have often sworn Allegiance and Fealty by those Oaths given former Kings, by which we bound ourselves not only to them, but to their Lawful Heirs and accessors.”

On comprend dans cet extrait que les Écossais n’étaient pas jacobites parce qu’ils étaient en opposition avec Guillaume d’Orange personnellement. Ils étaient jacobites car leurs ancêtres avaient juré allégeance aux anciens rois d’Écosse ainsi que leurs héritiers légitimes et en bon Scot, on ne se parjure pas !

Un jacobite est-il automatiquement un clansman écossais des Highlands ?

Un jacobite n’est pas uniquement un soldat écossais des Highlands au XVIIIème siècle. En effet, le mouvement jacobite était constitué d’hommes et de femmes de toute catégorie sociale et professionnelle. Dans les rangs, il y avait principalement des Irlandais et des Écossais (Highlands et Lowlands) mais il y avait également des Français, des Anglais et, dans une moindre mesure, des Gallois. Tout individu pouvait soutenir la cause et de diverses manières. Ainsi, plusieurs femmes ont participé activement aux révoltes en incitant leur clan à venir grossir les rangs jacobites et parfois même en allant à l’encontre de leur époux telle Lady Anne MacKintosh qui enjoignit les forces du clan MacKintosh à soutenir la cause alors que son mari était ouvertement loyaliste.

De même, tous les clans écossais n’étaient pas jacobites. Si certains étaient rattachés au jacobitisme (clan Cameron, clan Fraser, clan Hay), d’autres montraient leur ralliement aux loyalistes de manière ponctuelle ou sur du plus long terme (clan Sutherland, clan Monroe) ou bien leur neutralité. Certains clans, comme les MacDonald subirent des luttes fratricides car ils étaient composés de partisans des deux camps. Le clan Campbell avait, quant à lui, opté pour protéger ses propres intérêts en changeant de camp selon les avancées de la rébellion jacobite. Néanmoins, certaines branches du clan Campbell restèrent foncièrement jacobites.

Jacobites et loyalistes étaient ainsi parsemés sur tout le territoire écossais ce qui provoqua des escarmouches entre les deux camps sur l’ensemble des terres. Il est à noter que le premier conflit armé majeur se déroule en Irlande, sur le fleuve Boyne, en 1690. Le peuple irlandais est et restera très largement acquis à la cause jacobite, bien plus que les Ecossais.

Historique des rébellions

Le mouvement jacobite a connu plusieurs vagues de révoltes importantes qui se sont accompagnées d’actes et de lois plus ou moins coercitives.

Les révoltes ont commencé suite à l’accession au trône de Guillaume d’Orange en 1689 dont l’une des premières victoires fut à Killiecrankie  la même année. Il ne s’agissait pas toujours de bataille rangée entre jacobites et loyalistes. Un des moments le plus tristement célèbre fût le massacre de Glencoe (1692).

Afin de continuer d’asseoir son pouvoir sur toute la Grande Bretagne, Guillaume d’Orange rédige en 1707, l’union des deux parlements qui fait naître de nombreuses clauses très impopulaires et favorisant la montée de la cause jacobite. Il y eu alors une deuxième vague de révoltes au début du XVIIIème siècle avec, par exemple, en novembre 1715, la défaite de la bataille de Sheriffmuir. 1719 fut également une période de révoltes et complots.

La dernière vague s’étala sur huit mois : de septembre 1745, victoire de Bonnie Prince à Prestonpans, à avril 1746 avec la bataille de Culloden. L’act of attainder et les lois qui suivirent mirent définitivement fin aux révoltes jacobites et affaiblirent considérablement la culture écossaise (promulgation notamment du Dress act).

Les conséquences

Les conséquences furent multiples et touchèrent notamment toute la population écossaise, jusque dans son identité. Les impacts sont notables dès le début des révoltes et ils se manifesteront jusqu’au XIXème siècle et le renouveau de la culture écossaise.

Impact politique

Le gouvernement en place lors des révoltes vota plusieurs décisions dans le but d’inciter les jacobites à abandonner leurs convictions. Guillaume d’Orange propose un pardon aux chefs de clan jacobites ayant participé aux révoltes de 1689 et 1690 en contre partie d’une serment d’allégence. Cela mènera au massacre de Glencoe en 1692.

Dès 1702, il est décidé que toute personne soutenant les rebelles perdait ses propriétés, ses titres voire la vie. Un traité de 1715 appuya de nouveau ces mesures. Le clan act publié la même année tenta alors de rompre les liens entre le chef de clan et ses clansmen. En effet, si un clansman dont le chef est jacobite rejoignait les loyalistes, il était autorisé à vivre gratuitement pendant deux ans (exonération de loyer et d’impôt). A l’inverse, si un loyaliste se ralliait aux jacobites, ses terres lui étaient retirées et données au chef de clan (les héritiers pouvaient se retrouver alors sans terre).

Les traités sont légions depuis 1689 mais le plus sévère et le plus connu aujourd’hui reste l’act of attainder de 1745. Contrairement aux textes de 1702 et 1715, les terres perquisitionnées ne pouvaient plus être héritées par les descendants, sauf dérogation spéciale. Ce ne fut qu’en 1784, à la publication de l’act of restoration que ces terres perdues furent restituées aux chefs de clan jacobites et aux héritiers.

Au plan européen, quelques puissances étrangères furent considérées comme des soutiens. La cour de Versailles, en rivalité avec la maison d’Orange et l’Angleterre, accueillit pendant un temps la cour des Stuart en exil. Louis XV promis même plusieurs bateaux. Le Vatican, quant à lui, rêvait de rétablir une dynastie catholique sur le trône d’Angleterre. En 1719, la chambre apostolique, en charge des finances de l’Église, loua le palazzo Muti de Rome à Jacques François Stuart. Les espions de Guillaume d’Orange tentèrent alors de surveiller les visites pour déceler d’éventuels jacobites. Ce fut peine perdue tant la communauté écossaise était importante dans ce quartier.

A ces deux puissances s’ajoute l’Espagne comme soutien financier et logistique pour le mouvement jacobite. Le pays, très catholique, a fourni énormément d’armes (majoritairement des armes à feu)et a notamment appareillé plusieurs navires de guerre afin de soutenir la révolte de 1719.

impact militaire

Les conflits armés militaires majeurs furent peu nombreux. L’histoire des révoltes jacobites est surtout composée d’innombrables escarmouches sur l’ensemble du territoire écossais. On peut toutefois remarquer que les Highlands firent l’objet des affrontements les plus sanglants avec de nombreux prisonniers et récits de tortures. Par ailleurs, très rapidement, un véritable fossé se creuse entre les soldats réguliers loyalistes (nommés red coats en référence à leur long manteau rouge caractéristique de l’armée britannique) et la population des Highlands, très majoritairement jacobite.

La Couronne fera lever, dès 1725, des milices armées composées de highlanders afin de maintenir la paix au travers des Highlands. Le choix d’autochtones s’est fait dans la mesure où la Couronne n’avait pas forcément les moyens financiers de créer et entretenir des hommes venus d’Angleterre ou des Lowlands. Ces troupes, considérées comme des traitres par les jacobites, étaient notamment présentes pour empêcher les vols ou les trafics. Les hommes qui s’y engageaient possédaient des armes. Il s’agissait de fils de chefs de clans, de bourgeois ou de nobles qui considéraient ces milices comme des social clubs bien armés que l’on rémunérait pour maintenir le calme dans les contrées écossaises.

A partir de 1740 ces milices vont être transformées en régiments écossais loyalistes plus structurés et organisés, tels la Highland Watch surnommée Black Watch (le nom ne sera officialisé qu’en 1881), régiment le plus connu et souvent associé, à tord, au clan Campbell. Dans le même temps, des clans loyalistes lèvent des compagnies indépendantes et lors des batailles de 1745 ce sont très majoritairement ces compagnies indépendantes qu’affrontèrent les jacobites et non les Black Watch alors basés en Angleterre (seule une compagnie était basée en Ecosse).

 

En 50 ans de batailles, la stratégie militaire a très peu évoluée dans les deux camps. Par exemple, les loyalistes ne mettent en place une tactique afin de contrecarrer la Highland charge après les défaites de Prestonpans et Falkirk en 1745 et 1746. D’un point de vue de l’équipement, les troupes loyalistes étaient des troupes régulières organisées en régiment. Ils utilisaient de l’infanterie, de la cavalerie et de l’artillerie. A contrario, les troupes jacobites se composaient de régiments claniques difficilement contrôlables à l’échelle d’une armée unifiée sous la même bannière. Il y avait très peu de cavalerie et d’artillerie. Les femmes ne prennent pas une part active aux combats. en revanche, elles participent au financement et à la logistique (soin, cuisine) à l’arrière des combats. Elles eurent un rôle politique non négligeable au travers des actions des nobles.

A noter, Killiecrankie (1689), fut la première bataille où l’armée régulière loyaliste utilisa des baïonnettes. Sur place, les fouilles ont également révélées la présence de grenade à main, chose peu courante.

Suite à 1746, beaucoup de jacobites retournèrent sur leurs terres car fermiers, d’autres s’engagèrent dans l’armée britannique pour partir notamment aux Amériques. Les prisonniers furent régulièrement exécutés pour leurs actes et / ou pour servir d’exemple mais furent aussi envoyés dans les colonies. Aujourd’hui, il est encore difficile d’estimer le pourcentage de pardons, d’exil et d’exécution.

Impact économique

Certaines villes, telle Edimbourg, restèrent fidèles à la couronne d’Angleterre et d’Ecosse et virent le mouvement jacobite d’un mauvais oeil, principalement pour des raisons économiques (même si les illustrations de Penicuik dépeignent un Edimburg jacobite comme son illustration ci-contre). Les troubles provoqués par les jacobites perturbaient les commerces et les affaires. Ces troubles pouvaient être militaires ou politiques mais également commerciaux. En effet, les jacobites finançaient une partie des rébellions par les financements extérieurs et le trafic plus ou moins légal. Il y a notamment des écrits de piraterie dans les Antilles.

Si les marchés jacobites ne firent pas l’objet de contraintes économiques par la Couronne, cette dernière posa un embargo sur toutes les marchandises en provenance des pays soutenant les rebelles. Le commerce avec des nations proche de l’Angleterre, tel le Portugal et la Hollande, explosa alors : les vins français comme le vin de Bordeaux furent interdit, ouvrant le commerce écossais au vin de Porto (pour en savoir plus : la boisson en Ecosse).

Impact socio-démographique

Benn’s Club of Aldermen, Thomas Hudson (1752)
Benn’s Club of Aldermen, Thomas Hudson (1752)

Dans le même temps où les révoltes se fomentaient, des clubs jacobites voyaient secrètement le jour pour soutenir le mouvement. Lord Elcho a ainsi crée le Buck Club avec son compère Murray of Broughton dans les années 1740. Les membres se rencontraient alors une fois par semaine pour souper à la taverne de Mrs Walker, à côté du Parlement écossais, et faisaient des rassemblements pour promouvoir le jacobitisme. Cependant, cela ne signifie pas que tous les jacobites marchaient main dans la main. En effet, le Buck Club fut dissout en raison de conflits internes. D’autres clubs virent le jour durant ces révoltes et se promettaient de répondre à l’appel du prince lorsqu’il viendrait. Cette pratique du regroupement en club jacobite persista même après. Le Wig Club, exemple, exista de 1775 à 1827 à Édimbourg et était composé de 25 jacobites aux idées bien téméraires.

A la fin des révoltes de 1746, la France et ses colonies antillaises accueillirent des jacobite en fuite. Ils s’installèrent dans les ports, les manufactures ou tout autre lieu offrant un travail et une protection. Malgré tout, nombre d’Écossais furent envoyés de force, par la Couronne anglaise, en exil après 1746 afin d’aller grossir les rangs des esclaves dans le nouveau monde. Le nombre d’années d’exil pouvait varier selon la hauteur du délit ou du crime commis mais très peu revinrent en Écosse par la suite. Cela eut un impact majeur dans le quotidien des clans engagés dans la rébellion. La plupart des chefs étaient alors absents, soit emprisonnés soit exilés, et l’effort de guerre consenti par ces clans avait ruiné beaucoup d’entre eux. Cela eut pour effet une désorganisation majeure de régions entières, facilitant par la suite, la mise en place des Highlands Clearances.

Les Highland Clearances (en gaélique écossais Fuadaich nan Gàidheal, « l’expulsion des Gaëls ») sont des déplacements forcés de la population des Highlands au XVIIIème et XIXème siècle.

Ils commencent après la rébellion jacobite de 1708 pour s’intensifier après 1746. Les déplacements de populations sont nombreux et assumés par la Couronne dans la seconde partie du XVIIIème siècle. L’objectif premier est de casser le système clanique et le mode de vie des Highlands et de remplacer la population locale par du bétail. Certains historiens estiment que les Highland Clearances s’apparentent à un nettoyage ethnique perpétré notamment par les Ecossais eux-mêmes. Les écrits révèlent de multiples cas d’Ecossais payés par des loyalistes pour exproprier des fermiers.

Si, au début, ils étaient poussés vers les Lowlands et les côtes pour remplacer les terres inhabitées par des exploitations. dans un second temps, les prix du bétails sont cassés et nombres de familles sont ruinées et contraintes de partir en exode en Amérique du Nord, notamment en Nouvelle-Ecosse, et en Australie (1810 – 1850).

A l’heure actuelle, nombre d’écossais vivent toujours mal cette période trouble de leur histoire.

 

Impact culturel

Le jacobitisme a été un mouvement complet qui n’a pas oublié l’importance de la culture dans son action. En effet, musique (comme le chant jacobite de 1722 ci-contre) et littérature ont été des supports de prédilection. Quelques revues ont ainsi vu le jour pour soutenir la cause jacobite telles The True Patriot et The Jacobite Journal, respectivement créés en 1745 et 1747 par Henry Fielding.

Certains magasines ont été contraints de publier des écrits pro jacobites. Par exemple, en décembre 1745, le Manchester magazine (journal ouvertement loyaliste) a dû publier plusieurs manifestes en faveur du Pretender. En effet, l’éditeur principal étant absent, les jacobites ont contraint l’apprenti à imprimer ces manifestes sous forme de publicité. L’apprenti témoignera plus tard contre eux lors des procès des jacobites de Manchester en septembre 1746.

A l’inverse, la SPCK (Society for the Propagation of Christian Knowledge ou société pour la propagation de la connaissance chrétienne) est une institution chrétienne de bonne réputation en fonction de 1709 à 1872 dont le but est de diffuser une certaine forme d’éducation dans les Highlands et les différentes îles écossaises. Elle fut utilisée par le gouvernement après les révoltes de 1746 afin de stopper la foi épiscopale et d’éradiquer la langue gaélique.

La fin des révoltes est marquée par plusieurs lois anti-jacobites qui continuera cette destruction de la culture des Highlands. Le discloathing act (ou act of proscription) et le disarming act de 1747 auront un impact dévastateur.

 

Extrait d'un chant jacobite en 43 verses de 1722
Extrait d'un chant jacobite en 43 verses de 1722

En effet, le gouvernement a choisi de sanctionner de manière arbitraire tout ce qui avait attrait aux particularismes écossais (port de la broadsword, du tartan, de la Highland dress…) indifféremment de l’appartenance de mouvement. Seuls les soldats écossais servant dans les rangs de la couronne furent épargnés tel les Black Watch. Les Highlanders furent contraints de s’y soumettre sous peine d’une amende de 15£ ou de six mois d’emprisonnement et, en cas de récidive, d’être déportés sept ans dans les colonies.

Néanmoins, si ces lois étaient appliquées à la lettre dans les districts loyalistes, il y eu quelques largesses là où la cause jacobite avait été soutenue. L’écrivain et avocat écossais James Boswell raconte ainsi qu’il vit à plusieurs reprises des hommes porter le kilt dans les Hebrides durant cette période de prohibition. L’act of proscription sera finalement abrogé en 1782 mais il aura profondément affecté la culture écossaise.

Voici quelques extraits de propositions faites le 28 juin 1746 par les loyalistes pour mettre définitivement fin aux rebellions jacobites :

” […]

3. Pour abolir les noms de certains des clans, les plus notoirement concernés par la Rébellion, à savoir Cameron, Mac Pherson et de la même manière que les McGregors par le Statut Cha.1. Partie 1: Loi 30

Ne pas appeler ou écrire par ce nom, sous peine de déportation. Des amendes pour les autres personnes les appelant par ce nom. Un projet de loi plus efficace pour faire face à toutes les rencontres entre les maisons et les converticles, [une petite maison de réunion ou une chapelle pour une assemblée religieuse, en particulier des non-conformistes] pour le culte religieux en Écosse où le Roi et la famille ne seront pas priés par le Nom…

[…]

5. Un désarmement organisé des Highlands le plus efficace possible :

Des inspections et condamnations à mort ou à la déportation comme sanction pour toute personne pouvant être retrouvée armée, ou en possession d’armes dissimulées chez eux ou aux alentours, et à chacune de ces tournées, il faut que chacun soit amené à son procès s’il a été vu avec une arme ; et cela en dehors des inspections annuelles.

NB : les épées doivent être particulièrement citées, car ils ne comprendront pas que cela soit des armes.

Le Nota Bene peut faire sourire aujourd’hui, néanmoins il est révélateur de la mentalité des Highlands au XVIIIème siècle : par épée, l’auteur inclus le dirk or, ce couteau écossais n’est pas vu comme une arme mais comme un accessoire indispensable de la  vie qutodienne de tout homme ou femme des Highlands.

 

Conclusion

C’est suite à ces interdits et ces restrictions que le XIXème siècle a mis en lumière les coutumes et traditions des Highlands à travers le courant artistique que l’on nomme romantisme dont l’un des pionniers est le poète Robert Burns. Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, les rébellions jacobites ont eu des répercutions considérables sur plusieurs générations et participent encore à façonner implicitement le paysage politique et culturel de l’Ecosse actuelle. L’esprit jacobite persiste aujourd’hui chez de nombreux Ecossais comme un étendard de l’indépendance écossaise alors qu’au XVIIIème siècle, les jacobites ne parlaient pas de séparation des deux couronnes et encore moins d’indépendance.

Sources

Article rédigé à plusieurs mains : merci aux membres Guillaume et Niko Magnus ainsi que Jérôme (commissionnaire de la branche française du clan Cameron) pour leur relecture et les compléments d’information sur plusieurs points.