L’Écosse fait partie des peuples qui ont une tradition orale conséquente comportant nombre de contes, de légendes et de chants.
Le waulking song (chant de foulage ou chant de travail) fait partie de cette tradition orale très importante et si spécifique à l’Écosse. En effet, ces chants étaient en gaélique écossais et étaient appelés òran-luaidh (se prononce “o-lan loo-èych”). Le foulage en lui-même était nommé luadh (se prononce “loo-ugh”).

Qu’est ce que c’est que le foulage ?

Le foulage est une étape qui arrive juste après le tissage. Il implique deux processus, le récurage et le fraisage (épaississement). À l’origine, le foulage était réalisé par le martèlement du drap de laine avec une massue, les pieds ou les mains. Bien sur, ce procédé s’applique uniquement à la laine tissée (tweed).

Le foulage était une pratique commune en Écosse depuis le XIIIe siècle (pour les premières mentions) jusqu’à la première guerre mondiale, environ. On utilisait de l’urine humaine (fual en gaélique) pour continuer de fixer les couleurs de la pièce de tissu. L’ammoniac contenu dans l’urine n’avait pas seulement pour effet d’approfondir et d’intensifier les teintures, mais également d’éliminer les huiles de foie fondues utilisées sur les fibres de la laine. L’action de fouler la laine permettait aux fibres du tissu de se resserrer et de le rendre plus imperméable et plus épais.

Les sessions de foulage étaient réalisées par celles qu’on appelaient les « na mnathan luaidh » en gaélique écossais. Ce terme peut grossièrement se traduire par « femmes qui chantent en foulant la laine ».

Saor Alba pratique le chant de foulage et fait participer le public

La laine était l’une des matières les plus utilisées en Écosse au XVIIIe siècle avec le lin et le chanvre. C’était une matière première commune et donc moins chère que les autres tissus tout en étant l’une des plus chaudes, ce qui était très apprécié vu la température plutôt fraiche du pays. Il était commun qu’un individu tisse son propre drap de laine. Une fois tissée, la laine était sortie du métier et prête pour l’étape du foulage.

Quelques femmes (généralement de 6 à 14) se rejoignaient chez celle dont la laine venait d’être tissée pour la fouler en groupe. Quand on foulait la laine, on prévoyait généralement la journée car il pouvait y avoir jusqu’à 70m de longueur ! Les femmes frappaient avec les pieds ou avec les mains (le plus courant était la méthode des mains) en rythme autour d’une planche en bois. Le tissu était cousu aux deux extrémités pour former un tube. À cette occasion, il n’était pas rare d’enlever une porte de ses gonds pour s’en servir de table pour fouler.

Les chants de foulage

Comme à l’époque du moyen âge, les instruments de musique n’étaient pas courants, notamment dans les foyers modestes. Les chants ont ainsi vu le jour dans le but de donner un rythme au foulage et amener de la gaité dans ce travail pour le moins physique. Les chants de foulages, les waulking songs (anglais) ou orain luaidh (gaélique), sont en effet très simples et composés de couplets rapides ainsi que de refrains généralement plus longs. Ils sont systématiquement composés de mots et d’onomatopées pour élaborer une mélodie et ainsi remplacer un instrument. Une seule femme chante les couplets puis les refrains sont repris par tout le monde.

Certains chants sont sérieux et lents et ont un début et une fin. D’autres sont plus rapides et enjoués et d’une longueur indéterminée, afin qu’ils puissent continuer jusqu’à ce que la toile soit prête pour le processus suivant.

Par superstition, les ouvrières ne chantaient jamais deux fois le même chant de foulage dans la même session car cela pouvait porter malheur. Des offrandes de lait étaient parfois faites à une fée, la «Ioireag», qui assistait au foulage. Il existe ainsi une grande variété de chants de foulage. Ces chants ont très longtemps été exclusivement transmis à l’oral.

Le tissu était frappé vers l’avant puis était tiré vers soi, il passait ensuite légèrement sur la gauche avant d’être repoussé, le déplacement se faisait dans le sens des aiguilles d’une montre sur quatre tours.
Au fur et à mesure que le tissu se resserrait, il était mesuré à la longueur des doigts pour déterminer s’il fallait encore le temps d’une chanson avant qu’il soit prêt à être lavé, essoré et plié.

Après le foulage

Une fois ces dernières étapes faites, un rituel, auquel participaient les trois femmes les plus âgées, avait lieu. La première femme (la plus âgée de toutes) prenait le tissu plié et le déplaçait d’un demi-tour dans le sens des aiguilles d’une montre en disant “Cuirim ca deiseal” “Je donne un tour au soleil.” Libérant ses mains, elle le saisissait à nouveau et le retournait d’un demi-tour pour compléter le tour en disant “suis freasdal un Athar” “au nom du père”. Les deux autres femmes répètaient le processus en disant au « au nom du fils » et « au nom de l’esprit ».

Le waulking song fait partie de l’histoire de l’Écosse et était une tradition orale et gestuelle. La technique a peu à peu disparu, notamment à cause de l’industrialisation des méthodes de foulage et de tissage à partir de la première guerre mondiale.

Heureusement, beaucoup de chants ont été consignés par écrit afin de ne pas perdre ces traces d’Histoire. On les retrouves chantés dans des festivals et dans des fêtes traditionnelles écossaises comme The Tartan Day, des Highland Games et plus rarement dans des Ceildih. Saor Alba, en tant que troupe de reconstitution historique vous invite à venir à essayer de fouler la laine.

Sources